"Ph♀tographes", Artpress, n°457, juillet-août 2018, article de Raphaël Cuir
"Photographie(s) : La parole aux femmes ", Fisheye Magazine, 2018, Texte écrit par Lou Tsatsas
"Ph♀tographes", Culturebox, Franceinfo, mai 2018, article de Sophie Granel
"La photographie au féminin pluriel", Process Magazine, #18, mai-juin 2018, Texte écrit par Jules Février
"Hélène Virion et l'histoire du Petzval : Renaissance d'un mythe", Lomography Magazine, 2017
Avec Quiète, Hélène Virion nous transporte dans le bercement de l’horizon qui vacille. On le voit, une oscillation menace l’équilibre de la chaloupe alors que l’équipage est au bord du sommeil. De ce paysage, nous n’avons aucune indication de provenance mais il est traversé par un exotisme à double fond, dont l’un révèle de la géographie mais l’autre touche à nos représentations archaïques. L’habitat de fortune, balloté au gré des eaux, fait une intrusion des plus étranges dans nos images de foyers domestiques et de naufrages. L’artiste s’engage dans une structuration de l’image à partir de plusieurs dizaines de prises de vue en panorama unique. La composition agencée sur la base de multiples clichés vise le vraisemblable et la déstabilisation de nos repères. À quoi tient l’effet d’inertie de ce paysage qui associe le calme et tourmente ? Les opérations digitales, notamment d’insertion, d’harmonisation, voire d’incrustation sont appliquées de façon méthodique jusqu’au détourage et à la redéfinition des figures humaines qui n’occupent qu’une infime partie de l’image. En procédant à l’inclinaison numérique de la ligne d’horizon, au resserrement des berges pixels après pixels, Hélène Virion introduit un trouble dans l’espace-temps photographique. Ainsi, par une faible inclinaison du delta qui perturbe la vision du point de fuite, la composition nous entraine hors champ. Les jeux d’équilibre et de proportions interviennent alors comme conditions nécessaires à la cohérence du visible. En ayant recours à des retouches numériques minutieuses et à la manipulation de calques, Hélène Virion structure une scène en attente d’une possible dramaturgie. Dans le contexte de cette vue, les eaux semblent létales et non mortifères, opérant le déplacement de l’origine mythique du Léthé vers la poétique photographique. Les occupants de l’embarcation semblent être pris dans la léthargie de l’onde. Selon les légendes, les eaux de Léthé anéantissent la personnalité, efface la mémoire, conduisent à une perte d’identité ; ensemble des symptômes que l’ont peut assimiler à l’état de mort apparente. Léthé, fleuve mythique des Grecs, était réputé couler avec lenteur et silence car son cours paisible ne faisait entendre aucun murmure. Situé du coté de la vie, il assurait la frontière naturelle entre le monde et les Enfers. Boire les eaux du Léthé était la condition du retour sur terre des âmes des justes qui, après avoir expié leurs fautes, aspiraient à une vie nouvelle. La bascule de l’horizon et du miroir d’eau de la photographie trace une voie vers l’oublie et la descente en soi. En suivant le cours du Léthé, le passage par la mort symbolique qu’est l’état du sommeil profond dénoue les nœud et délivre de l’obscurité de la psyché. Quiète est ambiguë : elle semble dire le vrai mais elle n’est que reconstitution. D’imperceptibles indices de fond remonte à la surface et empêche l’état de sommeil profond. Le balancement paisible de l’embarcation semble temporaire dans le suspens crépusculaire. Dilatation du champ et vertige du mal de mer nous font glisser vers l’engourdissement et les hantises. La photographie, étirée en longueur, prend la figure d’un sommeil panoramique. Elle est, selon Hélène Virion, « comme en proie à un dommage imminent tendant à faire dériver, voire échouer l’embarcation. Celui d’une accalmie temporaire qui tend à émanciper par la tentation narrative qui s’en dégage, la photographie de l’inertie, du sommeil ».
Agnès Foiret
Catalogue d’exposition
Figures du Sommeil
24 Mars - 6 Mai 2012
Galerie Municipale de Vitry-sur-Seine
59, Avenue Guy Môquet
Maison vide en villégiature...
Le dépaysement est orchestré par Hélène Virion, photographe plasticienne : au travers d’une singulière errance dans plusieurs séries photographiques, les panoramas s’enchaînent, comme autant de décors splendides aux allures de polar fantastique. Et effectivement la manipulation hitchcockienne n’est pas loin : chaque image, chaque plan est généralement un canevas de plusieurs éléments retouchés, ajoutés, ou amputés pour obtenir ces tableaux mirages. Car Hélène Virion ne présente pas la réalité, elle la recompose. Ses clichés sont un jeu de piste, jetant pêle-mêle vrais souvenirs, refuges d’introspection et de contemplation. Ses horizons fragiles tanguent, basculant dans la brume ou les embruns. Difficile de garder le cap et les pieds sur terre, mais peu importe : il faut se perdre ! Et accoster à ces étranges et familiers rivages, le temps d’une illusion.
Maud Gironnay, Catalogue d’exposition « (Des)illusions », Maison vide, depuis 1902, Centre artistique Maison Vide, 2016, p. 11.