Les références célestes des dessins réalisés par Hélène Virion à la pierre noire et au charbon semblent évidentes. Pourtant sous leurs apparentes nébulosités une réelle complexité gronde. Entre nuage céleste et nuée de poussière, l’artiste dissimule au coeur de la fascinante beauté des nuages une double référentialité.

 

En lien direct avec l’actualité, comme avec l’archivage méthodique d’images de nuées elle témoigne d’une nécessité de penser la fumée dans un rapport métonymique à une source catastrophique. Les nuages à l’essence de sa pratique ont ainsi largement dépassés leurs dimensions bachelardienne, pour puiser des brumes de poussière, de poudre de charbon, une forme directement prélevée des fumées existantes.

 

Les nuages de la série de photographies intitulée Le pire n’est jamais certain sont ainsi devenus labiles. Entre nuées célestes et nuées de poudre, les ciels imprimés en laboratoire dans des noirs profonds, sur du papier Turner, présentées en novembre 2021 aux Amis du Frac Champagne Ardenne, ont migré vers une autre forme de graphie, non plus associée à la lumière de la photographie, mais au charbon et à la pierre noire du Blast.

 

Face à l’actualité du 4 août 2020 et à l’invasion de l’Ukraine, la représentation des ciels de cendre a pris corps dans une nouvelle acception de la nuée. Dans l’entremise d’une approche météorologique de nuages, étendus, épais, sombres, annonciateurs d’orages, une symbolique divine ou une autre méphistophélique, les traits employées sont devenus ceux de la représentation discrète et non moins prégnante du pire.

 

Par un lent et non moins efficient mouvement poïétique lié à une nécessité tenace et non moins engagée, ses photographies de nuages ont laissé place à un dessin, à des dessins. Le dessein - ein - a ainsi muté, s’est transformé, jusqu’à s’hybrider et déborder les limites du médium. Les tirages prélevées dans les journaux et médias compilés avec ses propres photographies ont pris un nouveau corps, dans une forme qui révèle en essence une double référentialité poignante, prise entre la beauté de paysages célestes et le sublime tourment imposé par les nuées liées à des catastrophes naturelles, industrielles, terroristes, dont la fumée nous poing pour reprendre le punctum Barthien.

 

Les titres sont sans équivoque. Ils révèlent les données géographiques, les dates du 11 septembre 2001, 21 septembre 2001, 26 septembre 2019, 4 août 2020, ou du 1er mars 2022, New York, Toulouse, Rouen, Beyrtouth, Kiev, la liste est longue et fait écho aux nuages de cendres qui surplombent actuellement l’Ukraine. Réalisés à la pierre noire et au charbon, les dessins sont une combinaison de fragments, de prises de vue réalisées en plein ciel et d’images collectées de nuées de cendre et de fumée, d’emprunts formels aux ciels de poussière qui ont surplombé les lieux précités.

 

L’oeuvre devient ainsi le support non plus d’une inscription, mais d’une transcription entre illusion et désillusion où l’oeil attentif décèle cet au-delà. Il découvre sous les tracés de la main, sous les nuées dessinées à la pierre noire et au charbon, la proximité au réel et à l’hybris. L’indicialité devient ainsi iconicité, le nuage se mue en une invitation à voir et à déceler sous le sublime un propos engagé. Les nuées se télescopent, s’enrichissent et se superposent pour éclairer le présent et ouvrir à un processus historigraphique qui se répète et trouve dans la plasticité de la fumée, de la nuée, une image labile, sublime, prise entre trouble et fascination. 

 

Le pire n’est jamais certain, Solo Show, La Petite Halle, Reims, 07 décembre - 06 janvier 2024

 

 

 

 

 

Souffler le jour, Solo Show, Le Salon Reçoit, Toulouse, 22 novembre 2023

Commissariat : Laurent Redoules & Anouck Durand-Gasselin

 

Exposition collective, Des espaces autres #03, La Fabrique, Toulouse, 27 septembre - 13 octobre 2023

 

Exposition personnelle, Blast, Centre d’Art & de Culture La Pierre Longe, Auménancourt, 29 avril - 15 mai 2022